Evolution de l’intervention du géotechnicien dans l’acte de construire
La géotechnique a pour objet d’étudier le sous-sol, c’est-à-dire le non visible, le plus souvent en vue de construire un ouvrage. Ainsi la part du connu, après une étude de sols même très poussée, restera toujours limitée. Il s’agit des sondages qui ont été réalisés sur le terrain investigué : entre eux, il n’y a que interpolations et suppositions qui laissent la place à l’aléa géologique, qu’il soit réel ou non, prévisible ou non. La connaissance du sous-sol ne peut qu’être progressive au fil de la réalisation du projet, au travers des reconnaissances réalisées en étapes successives et des observations faites en cours d’exécution des travaux (terrassements, fondations …).
Le caractère aléatoire est d’autant plus développé que le sous-sol est de nature très hétérogène, l’action de l’homme ayant parfois accentué cette hétérogénéité par l’exploitation de matériaux tant en carrière à ciel ouvert qu’en galeries souterraines. Comment espérer réduire à un niveau faible les incertitudes du sous-sol, si ce n’est en réalisant les études géotechniques par étapes successives tout au long des différentes phases d’élaboration du projet.
La connaissance partielle et statistique du sous-sol que l’on a acquise à un instant donné, peut même être mise en défaut par une évolution possible de ses propriétés et caractéristiques dans le temps (notamment variation du niveau des nappes, dissolutions karstiques, gonflement et retrait, liquéfaction sous séisme).
En plus des caractères complexe, hétérogène, évolutif que peut présenter le sous-sol, la nature de l’ouvrage construit peut aussi avoir une influence importante sur son comportement (notamment exécution d’une paroi moulée créant un barrage à l’écoulement naturel des nappes, d’une fouille en déblai à l’origine d’une chute des caractéristiques intrinsèques des matériaux en talus, d’un rideau de palplanches par vibrofonçage provoquant des tassements par compaction des couches). La présence d’ouvrages existants enterrés, connus ou non, peut aussi modifier l’état et le comportement du sous-sol.
Face à cette grande complexité du sous sol, le géotechnicien consulté a l’impression que l’étude de sols qui lui est demandée n’a qu’un but : remplir une formalité. Ainsi, on lui demande de réaliser quelques sondages, surtout sans référence à un projet précis. Il s’agira alors bien d’une étude de sols, qui décrira les terrains rencontrés et leurs principales propriétés, mais qui ne pourra pas aborder les conditions d’intégration d’un projet non connu par le géotechnicien. Réduire l’intervention du géotechnicien à une étude de sols “préliminaire”, sans accompagnement du projet, correspond à une caricature rendant l’aléa géotechnique inéluctable et soudain, alors qu’en réalité la maîtrise des incertitudes géotechniques, condition indispensable pour la maîtrise du coût final de construction, passe par l’intervention du géotechnicien aux divers stades du projet.
Sur le plan purement économique le coût de l’intervention normale du géotechnicien aux divers stades d’un projet classique représente 1% environ du coût de la construction alors qu’une intervention trop limitée peut conduire à des suppléments de coût qui se chiffreront en plusieurs dizaines de pourcent. Alors pourquoi le maître d’ouvrage prendrait-il des risques, le retour sur investissement géotechnique étant garanti ?
Devant toutes ces incertitudes propres à la géotechnique, il est du devoir du spécialiste de sensibiliser le maître d’ouvrage ou son représentant à une grande vigilance et de l’inciter à se faire accompagner par un géotechnicien tout au long de la conception puis de la réalisation de l’ouvrage. Ainsi la caractéristique principale de la norme NF P 94-500 est de définir des missions géotechniques qui s’enchaînent pour suivre les différentes phases d’élaboration et de réalisation d’un projet afin qu’une concertation sans cesse interactive entre le géotechnicien et les concepteurs et constructeurs permette d’assurer la gestion optimale des risques du sol, à la satisfaction du maître d’ouvrage.
En correspondance avec les diverses missions de la maîtrise d’œuvre accompagnant la conception, l’exécution et la maintenance d’une opération, la norme NF P 94-500, publiée le 5 juin 2000 (modifiée en décembre 2006), définit la classification et les spécifications des missions géotechniques à entreprendre.